Monday, August 25, 2008

Les (presque) JO du thé - 5

Du Canada, David nous envoie son compte-rendu d'un thé en extérieur:

"Je suis arrivé à Fermont le 4 mai 2008. C’est un endroit perdu dans le nord québécois, entouré d’une nature si pure que… Malheureusement, je quitte ce lieu merveilleux pour retourner étudier à Québec. Avant mon départ, je voulais trouver une façon de terminer ce périple, en emportant avec moi une image qui résume ma vie au 53e parallèle. J’ai donc décidé de faire un Cha Xi pour « immortaliser mon été ».

Il fallait premièrement choisir les trois éléments les plus importants pour mon événement : le thé, l’eau et l’endroit. Pour le thé, j’ai choisi le Feng Huang Gou Tou (Théier unique de 200 ans) de la Maison de Thé Camellia Sinensis. L’idée d’un théier qui a environ 6 fois mon age semblait appropriée pour un moment qui se veut « éternel ». Mais un thé si précieux peut être infusé avec quelle eau? Dans les années 50, il y avait beaucoup d’exploration minière dans les environs. Une compagnie chinoise a foré un trou et a abouti dans une mer intérieure . Depuis, un jet d’eau remonte à la surface, sans puit. Des études hydrogéologiques précisent que cette eau qui remonte à la surface (à un faible débit) a plusieurs dizaines d’années, peut être même une centaine (je peux expliquer le phénomène et l’histoire plus en détail s’il y a des intéressés). Bien que j’ai lu souvent que l’eau de source est plus appropriée pour infuser le thé, une eau si « vieille » se mariait parfaitement au concept que je voulais créer. Mais quel endroit choisir? Les possibilités sont quasi infinies, je décide donc de le faire au sommet du Mont Daviault. Comme je bois un oolong, pourquoi ne pas le boire dans son habitat naturel!

Pour les outils, je décide d’utiliser le premier chung que j’ai acheté. En gong fu cha d’intérieur, j’aurais sûrement utilisé une petite yixing, mais je voulais que mon thé puisse respirer le même air du nord que moi par les ouvertures du couvercle imparfait. Je mets aussi dans mon sac ma première théière yixing pour verser les résidus. J’utilise souvent une théière pour remplacer un bol à résidu, j’aime l’idée d’un cycle fermé pendant la dégustation de thé. Je choisis un Cha Bu mauve pâle pour ne pas compétitionner les couleurs vive du Feng Huang (je veux chercher ces couleurs vives avec les fleurs que je cueillerai). Pour les tasses, j’en prends 2. Je suis seul, mais comme la légende dit que Feng Huang = 2 oiseaux, je ne veux pas les offenser. Finalement, je décide aussi d’emporter mon plateau en bambou.

Bon, les préparatifs sont fait, il est maintenant l’heure de faire mon Cha Xi. Je vais chercher l’eau à la mine des chinois la veille pour la laisser reposer un peu. Vendredi le 22 août, je pars à 18h00, mon sac à dos plein. Je vais au pied du mont en vélo en écoutant Yi Zu Wu Qu à très faible volume pour me permettre d’entendre le vent (il y en a toujours à Fermont). Arrivé, je commence l’ascension et cueille les fleurs ou plante qui m’inspire en montant. Je n’ai plus aucune notion du temps ou du stress relié au travail ou de la tristesse en vue du départ. Je me concentre sur mon Cha Xi. Arrivé au sommet, le coucher du soleil débute (c’était planifié dans mon horaire). J’installe le tout en déposant aussi quelques canneberges et bleuets pour représenter l’aspect fruité de la finale de ce thé. Je dépose les éléments vers le soleil et de façon à assurer que mon Cha Xi ne s’envole pas avec le vent!

En commençant ma première infusion, je vois deux individus qui arrive au sommet. Je fais la connaissance de Nagy, un égyptien et Yvan Tremblay (un nom qu’il se donne pour que les québécois puissent le prononcer), un chinois. Quelle surprise pour cet homme qui vient de Chine, de voir un québécois dans le grand nord infuser un oolong de grande qualité avec tant d’attention! C’est la première fois qu’ils montent le Daviault. Ils sont ici pour superviser la construction d’une nouvelle mine de fer à 30 minutes d’ici. Je les invite donc à prendre le thé avec moi (la deuxième tasse s’est avérée très utile ; merci Feng Huang!)

Ce thé a pris quelques infusions avant de se réveiller, mais nous étions tous en accord que la deuxième fut la plus spectaculaire (c’est contradictoire avec le réveil, je sais, mais les goûts ne s’expliquent pas toujours)! Les odeurs de petits fruits étaient de plus en plus imposantes, le goût légèrement boisé s’intensifiait aussi, mais ce sont surtout les sensations physiques que le thé créait qui m’ont marquées. 9 infusions plus tard, la transition entre le jour et la nuit est terminée, le thé a libéré la majorité des arômes et de l’énergie qu’il avait à offrir et je suis prêt à tout ranger et quitter ce lieu maintenant rendu magique pour moi!

Je suis de retour chez moi à 22h00, relaxé mais plein d’énergie, prêt à revenir à la ville avec le souvenir d’un moment merveilleux qui, j’espère, me sera éternel!

Les couleurs des fleurs reflètent bien les couleurs du supposé « Feng Huang »

La puissance du décor et du vent reflète bien le corps de ce thé!"


Dans son e-mail, David me dit aussi qu'auparavant il avait les ustensiles nécessaires, mais ne prennais jamais le temps de bien faire les choses. Mais avec mon blog et une planification de ce moment pendant plus d'une semaine, l'expérience du thé n'est plus la même! Ce fut un moment magique.

Bien vu! La disposition de l'esprit à se concentrer entièrement au thé est la condition pour pouvoir l'apprécier! Je suis entièrement d'accord que le Cha Xi favorise cette concentration.

5 comments:

Soïwatter said...

Voici un merveilleux récit de voyage! L'attente et la recherche du moment magique. La préparation. La solitude face à l'immensité et l'éternité de la nature. L'humilité face à l'eau et au théier qui ont vu passer plus d'étés qu'on ne pourra jamais en voir (les Dan Cong me rendent comme toujours humble et poétique). Puis des rencontres improbables pour réchauffer la fraîcheur du 53e parallèle et donner une universalité à ce Cha Xi. Magnifique!

Comment décerner une médaille entre toutes ces performances magnifiques devant lesquelles on se sent si humble...

Anonymous said...

Le contexte, le lieu et le moment prennent de plus en plus de prépondérance dans ce concours de Cha Xi! Cela donne une réelle force à ces quelques feuilles de thé :)

Prélever l'eau à sa source est symboliquement et pour le thé un réel avantage. Cette eau avait-elle un goût particulier ?
Comment as-tu fait pour avoir de l'eau chaude au sommet du mont Daviault ? Brûleur, thermos?
On ne voit pas l'infusion de ton Oolong dans les tasses, on a pourtant envie de voir cette seule source de chaleur dans l'image, d'ambiance froide au coucher de soleil! En sus du vent, j'espère qu'il ne faisait pas trop froid sur ces hauteurs (?)

Cataford said...

Bonjour, l'eau est plus "dur" que l'eau du robinet et que plusieurs eaux embouteillées (sans l'être trop). Elle n'a pas vraiment de goût, mais une sensation moelleuse dans la bouche. Elle était tout à fait appropriée. Je l'avais goutée à l'avance.

Malheureusement, l'eau chaude était dans un thermos. C'est la plus grande lacune de mon Cha Xi, je pense. C'est un thermos que j'ai acheté spécialement pour ce genre d'évènement, il n'est donc pas contaminé par aucune odeurs, mais il reste que faire bouillir son eau sur place est une étape essentielle selon moi. Je commande sous peu un réchaud en terre cuite pour améliorer cet aspect. Par contre, bien que je n'ai pas toujours les meilleurs outils, je n'aime pas me les procurer avant de comprendre moi-même la différence. Et je vis souvent avec le dicton : on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a!

Pour l'infusion, vous avez raison, c'est ce qui manque dans le deuxième cadre. Mais j'ai fait un choix rendu en haut. Bien que j'ai participé au concours, l'idée d'utiliser un appareil numérique une fois les infusions commencées ne me plaisait pas du tout. Comme ce moment m'appartennait et qu'il m'avait pris de nombreuses heures à planifier, j'ai sacrifié la photo pour vivre le moment pleinement. C'est d'ailleurs pour ça qu'il n'y a pas de fiche très détaillée de chacune des infusions, je me concentrais sur ce que je vivais et je n'ai pas pris de note.

Mais il ne faisait pas si froid que ça (j'ai choisi ma journée!) Mercredi, le mercure affichait 7 degré celsius, mais vendredi, le vent souflait à environ 18 degrés!

geneviève meylan said...

l'endroit a l'air incroyable, sauvage et et doux à la fois !
et ce que j'ai aimé c'est le fait que tu aies pu convier 2 autres personnes à ce moment de thé . C'est génial !
c'est ce que j'avais regretté pour ma part, de ne pouvoir partager ce moment avec d'autres....

Anonymous said...

Bonjour? Frederic de france.
Très beau récit...Je m'initie au plaisir du thé et je trouve ta façon de décrire ce que tu as vécu très envoutante et me permet de revivre ton instant privilégié. merci